Les Etats-Unis de Donald Trump ont
officialisé leur intention de se retirer de l’accord de Paris sur le
climat, suscitant aussitôt des réactions consternées de la part de la
Chine, de la France et de la Russie.
« Aujourd’hui, les Etats-Unis entament le processus de retrait de
l’accord de Paris. Conformément aux termes de l’accord, les Etats-Unis
ont soumis une notification formelle de leur retrait aux Nations unies.
Le retrait sera effectif un an après la notification », a déclaré le chef
de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, dans un communiqué.
Cette
étape-clé, qui ne pouvait intervenir plus tôt en raison d’une clause
inscrite dans le texte de l’accord de Paris sur le climat, enclenche un
compte-à-rebours d’un an avant que Washington puisse effectivement
quitter l’accord. Le départ n’aura donc lieu au plus tôt que le 4
novembre 2020, le lendemain de la prochaine élection présidentielle aux
Etats-Unis, où Donald Trump compte briguer un second mandat.
Les
Etats-Unis sont le seul pays à se désengager de ce texte signé par 197
pays, jusqu’à la Corée du Nord.
« L’heure est venue de quitter l’accord de Paris », avait déclaré le 1er
juin 2017 le président américain, qui avait ajouté: « J’ai été élu pour
représenter les habitants de Pittsburgh, pas de Paris.” Depuis cette
déclaration, en réalité, les Américains continuaient à occuper leur
siège, discrètement, pour influencer les discussions techniques autour
de l’application concrète de l’accord, dans le cas où, un jour,
Washington le réintégrerait.
Paris, Pékin et Kremlin dénoncent
Selon
le texte négocié fin 2015 par Barack Obama, aucun pays ne pouvait
sortir avant le troisième anniversaire de son entrée en vigueur, le 4
novembre 2016.
La Chine, premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, la France et
la Russie ont réagi à l’annonce américaine. « Nous espérons que les
Etats-Unis feront preuve de davantage de responsabilité et qu’ils
contribueront davantage au processus de coopération multilatérale, au
lieu d’ajouter de l’énergie négative », a indiqué mardi un porte-parole
de la diplomatie chinoise, Geng Shuang, en « déplorant » la mesure
américaine.
La France a également dit « regretter » la décision américaine. « Cela rend
encore plus nécessaire le partenariat franco-chinois sur le climat et
la biodiversité », a indiqué la présidence française alors qu’Emmanuel
Macron entamait mardi à Shanghai la deuxième journée d’une visite en
Chine.
Un
coup « sérieux » à l’accord de Paris, a commenté le porte-parole du
Kremlin, Dmitri Peskov. « Cela porte atteinte à l’accord de la manière la
plus sérieuse qui soit, car il s’agit d’un pays leader en matière
d’émissions » de gaz à effet de serre, a-t-il ajouté.
Les conservateurs américains ont salué pour leur part l’annonce. Mais la
présidente de la chambre basse du Congrès, la démocrate Nancy Pelosi, y
a vu « une nouvelle décision anti-science (…) qui vend l’avenir de
notre planète et de nos enfants ».
La décision américaine « est mue par une vision obsolète datant du siècle
précédent, quand on croyait que l’action climatique était coûteuse et
détruirait des emplois », a commenté Andrew Steer, président du World
Resources Institute.
Pourquoi l’Amérique se retire-t-elle?
La
raison officielle du retrait est que Washington considère l’accord
injuste pour les Etats-Unis, bien que la philosophie du texte soit que
les pays fixent librement leurs objectifs de réduction des émissions de
gaz à effet de serre. Le but alors annoncé par Barack Obama était
d’ailleurs moins ambitieux que d’autres pays.
Donald Trump pourra faire valoir à ses électeurs qu’il a tenu sa
promesse. Mais l’opposition démocrate, les ONG et les experts se sont
offusqués de l’égoïsme du deuxième émetteur mondial, alors que la Chine
reste engagée dans le processus.
Le parti démocrate a dénoncé une « insulte à l’humanité ». « C’est
honteux », a tweeté Joe Biden, possible rival de M. Trump pour la
présidentielle de 2020.
« Ce
n’est rien de plus que la concrétisation d’une promesse de campagne
cynique et insensée dans le seul but de gagner les faveurs de
l’industrie des énergies fossiles », a dit le sénateur démocrate Patrick
Leahy.
Pas d’effet domino
La
décision de M. Trump n’a pas créé l’effet domino que certains
craignaient dans des pays comme l’Australie et le Brésil. Elle a même
galvanisé de multiples acteurs américains non-fédéraux: Etats gouvernés
par les démocrates, villes et entreprises qui se sont engagés à la
neutralité carbone d’ici 2050 ou à d’autres actions. Cela compensera en
partie l’inaction fédérale.
En
définitive, l’accord de Paris ne s’est pas effondré, renforcé par la
mobilisation des jeunes pour le climat observée depuis l’an dernier.
Mais le résultat de l’élection de 2020 pourrait être plus déterminant.
« Si jamais on repart dans une administration Trump pour quatre ans, les
conséquences seront très, très différentes », dit à l’AFP David Levaï, du
centre de réflexion Iddri. « La solidité de cette gouvernance
(climatique) demeure, tant que le retrait américain n’est qu’une
parenthèse ».
Tous les adversaires démocrates potentiels de Donald Trump se sont
engagés à revenir dans l’accord, ce qu’ils pourront faire à leur
éventuelle prise de fonction, le 20 janvier 2021.