En de pareilles circonstances, nul ne trempe sa plume dans l’encre pour
le plaisir de transmettre un message, mais bien pour répondre à une
intime conviction et à une nécessité intérieure puissante. Très
puissante que les souvenirs fusent de partout pour rejaillir et donc,
pour sortir.
S’il est un sentiment naturel et non
ridicule, vous en conviendrez, c’est celui de la gratitude. Ma gratitude
s’élève naturellement, envers mon père qui m’aura tout donné, qui m’a
mis à l’école de l’Homme, à l’école de l’humain et à l’école de la Foi.
Et surtout qui m’aura choisi une merveilleuse mère. Ensemble, ils auront
fait de nous, leurs enfants, ce que nous sommes aujourd’hui.
J’ai
encore aujourd’hui un merveilleux souvenir, du jour où j’ai échangé
avec M El Hadj Amadou Wade de la Sénélec. Fasciné par le témoignage
exceptionnel fait par cet homme sur mon père, j’ai appelé ce dernier au
sortir de la rencontre pour le remercier vivement de cet héritage, du
fait qu’il soit par ricochet notre miroir, en quelque sorte notre
caution morale. Dieu merci j’ai déjà eu à lui exprimer ma gratitude de
vive voix! Alhamdoulilah.
Nul ne peut se
rendre compte combien, dans ma vie, j’ai aimé l’admirer en sourdine, en
entendant certains témoignages faits par de très hautes personnalités.
Certains étaient ses collègues ( feu tonton sidy Lamine Niasse, tonton
Mademba Ndiaye, tonton Ouzin, tonton Tidjane kassé, tonton Abou Abel
Thiam, tonton Madiambal Diagne etc.), d’autres sont ses collaborateurs
actuels (seyni diop, ibrahima hann etc. ), d’autres encore plus nombreux
sont ses cousins, frères, amis et camarades d’infortunes (Pr Isaac
Yankhoba Ndiaye, tonton issakha diop, mon homonyme, tonton adama gaye,
tonton pape diop, tonton iba ba,. je ne peux les citer tous, tellement
ils sont nombreux, machallah, qu’ils m’en excusent). D’autres encore
constituent une constellation de personnalités parmi les plus honorables
du Sénégal et qui, au courant de la maladie de mon père, nous ont
personnellement manifesté leur désir de prendre en charge les frais. La
décence et l’absence d’autorisation de leur part, m’oblige à ne pas
citer leur nom. Qu’il retrouve ici l’expression de notre reconnaissance.
En
tant qu’humain, Abdourahmane Camara était doté d’un humanisme
débordant.
Il avait assurément comme sacerdoce journalistique » d’Instruire les
ignorants, de prendre soin de ceux qui doutent et de fortifier les
tristes », qui sont trois des œuvres de la miséricorde spirituelle selon
saint Thomas d’Aquin. Il suffit d’interroger l’ensemble de journalistes
lui témoignant une reconnaissance quelque peu…éternelle.
Il
était de cette forte race de parents, qui nous bercent, nous aident, et
nous portent à notre insu. Nous n’avons pas le choix, son leg nous
impose, une vie, un style de vie, un idéal de vie empreint d’humanisme
et teinté d’une foi inébranlable en Allah le Tout-Puissant. Abdu-Rahmane
ne signifie t-il pas esclave du miséricordieux? Esclave il naquit, Esclave il vécut, Esclave il mourut.
Je
me rappelle le jour où, étant étudiant, et passablement agacé par les
grèves des enseignants il avait corrigé un de mes pamphlets intitulé
« soliloque d’un étudiant éprouvé ». Au chapitre des propos liminaires
j’avais écrit mon pater comme étant un optimiste. En sa qualité de
jardinier des mots, il y ajouta malicieusement : INDÉCROTTABLE. Alors
oui papa était d’un optimisme indécrottable. Il était de ceux qui
pensaient que le Sénégal doit s’en sortir et que, In Sha Allah, le pays
se développera nonobstant les vicissitudes de la vie politique
économique et sociale. Rien ni personne ne pouvait l’empêcher d’y
croire, jusque dans sa tombe.
En tant que
journaliste et diplomé en lettres, il avait cette rigueur rare qui lui
permettait de disséquer phrase après phrase, corrigeant toute
incongruité linguistique, toute lourdeur dans le langage….bref il est
de ceux qui s’occupent de leurs jardins (le journal) en enlevant les
mauvaises herbes (les fautes), en détaillant les différentes (fautes de
style) voire en remplaçant les plantes inutiles pour ne pas dire mortes.
Il avait cette faculté rare, à corriger et reformuler une phrase pour
la rendre la plus digeste possible. J’ai eu à de nombreuses reprises à
le surprendre en train de corriger des livres, des rapports, des thèses
et évidemment le draft du journal etc….
Donc vous qui avez l’amabilité de me lire soyez indulgent à mon égard et
recevez, par anticipation, mes plus plates excuses pour le faible
niveau de ce texte …papa vous avait habitué à tellement mieux!
Plus
qu’un journaliste, Abdourahmane Camara ambitionnait assurément d’être
un maître de vie… Il tentait de faire passer chez tous ceux qui le
côtoyait un peu de ce que les ans, les joies et les épreuves de la vie
lui ont appris, de les entraîner dans des sphères plus élevées et plus
distinguées, fût-ce l’espace d’une discussion, d’un conseil, d’un
reproche voire d’une subtile correction (clin d’oeil à ses innombrables
stagiaires).
En fait, ce qui m’aura probablement le plus marqué dans son existence
aura été sa capacité à éveiller la flamme qui dort dans chaque jeune
sénégalais, qui aspire à s’élever (il exhortait tout le monde à aller le
plus loin possible notamment dans les études) ; d’amener à la pleine
lumière l’être potentiel de qualité, qui n’attend que délivrance. Il
rêvait de rendre chaque esprit le cotoyant réceptif, critique mais
objectif. Il aimait discuter, avec une ouverture d’esprit à envier. Il
savait également que dans cette vie il fallait accepter d’être en froid
momentanément avec certains, dès lors que l’on entend rester fidèle à sa
conception du monde, et à l’essentiel de ce que l’on croit. Avec son
sens de l’éthique et de la déontologie en bandoulière et bien souvent
mis a rude épreuve, il savait apprendre au jeune journaliste à ne pas
céder à la tentation des prébendes, des pots de vins et des
compromissions. Il savait aussi refuser un service contraire à l’éthique
tout en conservant intacte l’amitié de son interlocuteur.
Nos échanges croustillantes d’anecdotes de tout genre, résonnent encore
dans mes oreilles comme des paroles de vérités, des leçons quelques peu
… éternelles.
Abdourahmane camara était un
époux exemplaire (il a toujours eu un respect viscéral pour la femme et
indirectement pour notre mère), un père qui n’existait que pour sa
famille (tout le monde n’était il pas Sa Famille?), mais aussi que par
eux et grâce à eux. C’est ce qui explique l’unité de ses frères et
soeurs d’ici ou d’ailleurs dans le combat pour sa guérison. A ces
oncles, tantes, cousins et cousines qui ont activement participé à cette
lutte je peux vous assurer que, là où il est, Papa vous en remercie.
Recevez en mon nom propre et au nom des enfants nos sincères et profonds remerciements!
Chaleureux
remerciements aussi à l’ensemble du personnel de walfadjri pris en la
personne de son représentant, M Cheikh niass, pour son engagement jamais
défaillant.
A ma maman,
A toutes la famille d’ici où d’ailleurs, A tout le personnel de Walf, A son cher cousin le Pr Isaac Yankhoba Ndiaye, A ses amis d’antan, Puisses le Bon Dieu vous Aider à faire le deuil de ce jardinier des mots. Amine.
Insa Camara