Les responsables des politiques de santé sur le continent
s’accordent à dire que les taux de dépistage sont terriblement bas, ce
qui pourrait fausser notre compréhension de l’étendue de la propagation
du virus.
Au fur et à mesure que les pays
sortent de la phase de confinement, seuls le dépistage et le traçage des
cas contacts permettront aux gouvernements de savoir réellement ce qui
se passe sur le terrain.
Bien entendu, les
politiques de dépistage varient considérablement d’un pays à l’autre,
mais les épidémiologistes estiment que des cas positifs pourraient ne
pas être identifiés.
Les premiers succès
apparents de l’Afrique dans la lutte contre la propagation du virus ont
été notables, et le nombre de cas n’a pas augmenté aussi rapidement
qu’ailleurs.
De nombreux pays ont agi
rapidement et, à des degrés divers, ont mis en place des mesures de
confinement, des fermetures partielles, des interdictions de grands
rassemblements, des couvre-feux et des fermetures de frontières.
L’Afrique
du Sud, le Cameroun, la Mauritanie et certaines régions du Nigeria ont
lancé de vastes campagnes communautaires de porte-à-porte pour dépister
les gens et identifier les cas potentiels à tester.
Certaines nations insulaires et certains pays moins peuplés du continent ont réussi à maintenir un faible nombre de cas.
Les
Seychelles ont signalé un cas pour la dernière fois début avril et les
11 cas confirmés de coronavirus ont tous été guéris. La Namibie n’avait
pas eu de cas depuis plus d’un mois jusqu’à ce que deux femmes, arrivées
d’Afrique du Sud voisine, soient testées positives le 21 mai.
A
Maurice, deux personnes rapatriées d’Inde et placées en quarantaine ont
été testées positives dimanche – les premiers nouveaux cas depuis plus
d’un mois.
Les autorités
sud-africaines ont imposé une quarantaine très stricte qui a semblé,
dans sa phase initiale, ralentir la propagation du virus. Mais le
président Cyril Ramaphosa, tout en annonçant un assouplissement de la
quarantaine, a déclaré que le pays devait s’attendre à ce que le nombre
de cas d’infection « augmente encore plus et plus rapidement ».
« La pandémie de coronavirus en Afrique du Sud va s’aggraver avant de s’améliorer », a-t-il ajouté.
Néanmoins,
l’Afrique du Sud est peut-être en meilleure position que de nombreux
autres pays du continent, et les personnels de santé ont réalisé environ
10 tests pour 1 000 personnes. La capacité de dépistage du pays est
également en augmentation.
D’énormes disparitésMais à l’échelle du continent, le tableau est mitigé.
Le
directeur des Centres africains de contrôle et de prévention des
maladies (CDC Afrique), le Dr John Nkengasong, a déclaré qu’à la mi-mai,
seuls 1,3 million de tests avaient été effectués sur le continent.
Cela
se traduit par une moyenne continentale d’un test pour 1 000 personnes.
Il existe cependant d’énormes différences entre les pays.
Les
nations plus petites et plus riches, comme l’île Maurice, ont certains
des taux les plus élevés, même rapporté aux normes mondiales.
Le
12 mai, le gouvernement mauricien a déclaré avoir effectué plus de 73
500 tests, soit l’équivalent de 61 tests pour 1 000 personnes – un
chiffre supérieur à celui de l’Allemagne ou du Royaume-Uni à l’époque.
Les pays les moins riches et ceux qui connaissent des conflits internes sont ceux qui ont réalisé le moins de tests.
Selon
les chiffres compilés par le Comité international de secours, le Tchad a
effectué 0,1 test pour 1 000 personnes et le Mali 0,17 test pour 1 000.
Mais le Nigeria, le pays le plus peuplé du continent – et l’un des plus riches – a effectué 0,23 test pour 1 000 habitants.
Pour
expliquer ce chiffre peu élevé, le gouvernement nigérian affirme qu’il
se concentre sur des clusters d’épidémie plutôt que sur des tests de
masse de la population.
Chikwe Ihekweazu,
directeur général du Centre nigérian de contrôle des maladies, a déclaré
fin avril : « Je préfère aller un peu plus lentement et bien faire les
choses plutôt que d’aller trop vite dans une situation que nous finirons
par regretter ».
Il y a également de grandes
lacunes dans les données, comme en Tanzanie, qui a cessé les tests. Le
président John Magufuli a déclaré une période d’action de grâces pour
célébrer la diminution du nombre de personnes atteintes de coronavirus –
malgré le nombre important de cas positifs qui continuent d’être
détectés le long de ses frontières avec le Kenya et la Zambie.
Ces pays voisins ont annoncé la fermeture des frontières par crainte d’une recrudescence des cas importés.
Dans les pays qui pratiquent des tests, mais à des taux peu élevés, on craint que des cas ne soient pas détectés.
Toutefois,
le Dr Nkengasong ne pense pas qu’un nombre important de cas soient
passés inaperçus, car le continent ne connaît pas de pic de décès
inexpliqués, c’est-à-dire dont la cause de la mort n’est pas connue.
« Nous
ne voyons pas non plus d’hôpitaux inondés de personnes infectées par le
Covid-19 et qui cherchent à être hospitalisées », a-t-il ajouté.
Mais
il n’est pas inhabituel que les systèmes de santé passent à côté de cas
de maladie. Avec des infrastructures insuffisantes et un nombre
relativement faible de personnel médical, tout le monde n’a pas accès à
une clinique ou à un hôpital. En conséquence, les cas ne sont pas pris
en charge.
En queue de peloton

Une pénurie mondiale de kits de diagnostic a affecté le continent et limité la capacité des pays à intensifier les tests.
« L’Occident
a réquisitionné la plupart des matériels pour les tests… et nous
sommes derniers dans la file d’attente pour les demander », a déclaré le
professeur Robin Wood du Centre Desmond Tutu pour le VIH en Afrique du
Sud à la BBC en avril.
Alors que le reste du monde est focalisé sur son propre combat contre la maladie, l’Afrique reste exposée.
L’aide
extérieure – à laquelle une grande partie du continent s’est habituée,
notamment en ce qui concerne ses programmes de santé – a été réduite à
une peau de chagrin.
La Fondation Jack Ma –
créée par l’entrepreneur chinois de l’Internet – a fait don à chaque
pays africain d’équipements de protection et de kits de diagnostic,
comprenant des dizaines de milliers de kits de tests et de prélèvements.
Mais
le professeur Wood a déclaré qu’au lieu de compter sur une aide
extérieure, la meilleure façon pour l’Afrique d’avancer est d’innover.
Besoin d’une solidarité mondiale
Des
efforts sont faits pour développer des alternatives en Afrique. Par
exemple, l’Institut Pasteur du Sénégal travaille sur un test rapide qui
devrait coûter environ 1 $ (près de 600 FCFA) pièce.
« La
solidarité mondiale est nécessaire pour remédier à la pénurie de kits
de dépistage dans la région et garantir un accès équitable », a déclaré
le Dr Matshidiso Moeti, responsable de l’OMS pour l’Afrique, aux
dirigeants mondiaux lors de l’Assemblée mondiale de la santé.
Le CDC Afrique a mené un effort continental pour collecter des fonds et se procurer du matériel.
Dans
le cadre d’une initiative appelée « Partnership to Accelerate Covid-19
Testing » (pacte, partenariat pour accélérer les test de Covid-19), il
soutient les pays dans le but de réaliser entre 10 et 15 millions de
tests sur le continent, soit environ 1 % de la population.
On
s’attend à ce que l’augmentation du nombre de tests entraîne une
augmentation significative du nombre de cas, en particulier dans les
pays où il existe encore des preuves de transmission active de
l’infection.
Le Kenya prévoit qu’avec les
mesures actuelles de couvre-feu et de dépistage en place, le nombre de
nouveaux cas pourrait atteindre un pic vers août ou septembre.
La
réponse proactive de l’Afrique à l’arrivée du Covid 19 sur le continent
a peut-être ralenti la propagation de la pandémie, mais ce sont les
actions des gouvernements dans les mois à venir qui détermineront la
trajectoire de l’infection et son impact sur les populations.