La légende populaire a toujours conféré à Ousmane Tanor Dieng une excellente qualité d’écriture. Seneweb propose à ceux qui en doutaient encore le joli témoignage d’Ousmane Tanor Dieng à Bruno Diatta, d’où suinte une très grande maîtrise de la langue et une qualité d’écriture tout simplement bluffante.
Mon cher Bruno,
En te rendant hommage, nous rendons les honneurs à tes parents et à tes fleurs semées.
En te rendant hommage, nous rendons les honneurs à la nation sénégalaise
dont tu portas brillamment et fièrement l’étendard, au-delà même de nos
frontières.
En te rendant hommage, nous rendons les honneurs à l’homme des
éloquentes facettes : bon et simple, courtois et discret, serein et
pudique, humble et chaleureux, loyal mais chevillé à des principes. Tu
les incarnas, immuablement, au recto et verso des années.
En te rendant hommage, nous rendons les honneurs au patriote, à
l’inlassable serviteur de l’État mais également à Leurs Excellences les
Présidents Léopold Sédar SENGHOR, Abdou DIOUF, Abdoulaye WADE et Macky
SALL, dont tu as été le Chef du Protocole d’État. Tout le monde peut
imaginer combien il a pu être délicat d’être le Chef du Protocole de
Léopold Sédar SENGHOR ou de Abdoulaye WADE. Pour des raisons
différentes, d’ailleurs.
Mon cher Bruno,
Tu m’as accueilli à la Présidence de la République en 1978. Je m’en
souviens. C’était l’ère de la chemise blanche, du nœud papillon et du
pantalon rayé, avec la redingote au-dessus. Nous nous en rappelions
occasionnellement avec amusement. À ton poste, tu marchas sur les beaux
pas d’illustres devanciers comme André COULBARY, Amadou CISSÉ « Ndiarmew
» et le distingué Cheikh LEYE. Je salue respectueusement leur mémoire.
J’ai eu le plaisir, cher ami, de te côtoyer et de servir, avec toi, les
Présidents Léopold Sédar SENGHOR et Abdou DIOUF. Tu étais un homme
passionné, avec une maîtrise parfaite de la grammaire protocolaire et
qui avait pleine conscience des obligations de son métier. Tu composais
avec tout le monde et jamais ne te plaignais de rien ni de personne. Tu
rendais en permanence des services sans jamais être demandeur de quoi
que ce soit. Seul bien accomplir ta tâche t’importait, quel que soit
l’imprévisible caractère de ton interlocuteur. C’était là ton crédo, ta
légendaire recette à succès.
Excellence ! Oui Excellence ! Car telles étaient ta pratique et ta tenue
quotidiennes, quarante ans durant, plus même que ton titre de
Conseiller des Affaires étrangères de Classe exceptionnelle donc de
diplomate de haut rang. Tu avais, solidement ancrés en toi, le sens et
la culture de l’État.
Je te salue, je te nomme avec respect, avec amitié, en souvenir vivace
des moments ensemble vécus. Je me le permets, une dernière fois,
bienheureux « Diatta Marie Père ».
De toi, cher Bruno, les générations présentes et futures retiendront,
entre autres, que les bavards sont ceux qui, peu, savent. Oui, tu
connaissais, voyais et entendais beaucoup, trop et énormément de choses
mais tu ne pipais mot. Dans ta poitrine tu gardais et portais tout, au
nom de l’État et de la République, tel ce cœur amoureux en qui palpite
le permanent souci du bien-être de sa dulcinée. Et pourtant, il faut le
savoir, le Chef du Protocole d’État est un collaborateur précieux et
particulier du Chef de l’État, dépendant uniquement et directement de ce
dernier. Tu avais là de quoi bomber le torse mais tel ne fut jamais ton
comportement.
De toi, cher Bruno, les Sénégalais retiendront que l’exemplarité est la
marque du bon maître. Constant, écouté et pourtant si effacé, tu gérais
de main de maître l’agenda du Président de la République et mettais en
branle le cérémonial présidentiel à chaque fois que de besoin. Voyages
officiels, visites, déplacements à l’interne, déjeuners, diners et
réceptions, lettres de créance, remise de décorations, cérémonies
publiques, cadeaux échangés avec des personnalités étrangères, etc. Rien
ne se faisait ou ne se mouvait sans ton avis voire ton implication.
Mission accomplie, tu te retirais à l’ombre, satisfait et silencieux. Et
tu recommençais, alerte, l’instant d’après.
Chef d’orchestre et multitâches, c’est avec doigté, grandeur et
professionnalisme avéré que tu t’intéressais à tout ce qui se passe dans
la « grande maison », du cabinet du Président de la République au
Secrétariat Général de la Présidence en passant par le service de
presse, l’état-major particulier, le commandement militaire, etc. pour
que mythique et respectée demeure la Présidence de la République. Ta
vivacité d’esprit et ta naturelle simplicité te donnaient solution à
presque tout. Tu avais le tact et l’intelligence des situations.
Non ! Je ne saurai te pleurer comme un inconnu ni apprécier la grandeur
de tes œuvres tel un néophyte. La diplomatie étant un art tout
d’exécution, le protocole en demeure la branche la plus complexe et
seuls les meilleurs y réussissent. Tu y brillas de mille et un feux,
cher Bruno.
Repose en paix, grand serviteur de l’État. Nous suivrons tes pas,
ici-bas et un jour dans l’au-delà, car il est une vérité, celle
courageusement inscrite à l’entrée du cimetière chrétien Saint-Lazare de
Béthanie : « Aux portes du paradis, nous avons été ce que vous êtes et
vous serez ce que nous sommes. »
Mes condoléances, une fois encore, à Son Excellence le Président Macky
SALL, à toute ta famille, aux diplomates de carrière, au peuple
sénégalais et loin de nos murs, au monde. Éternellement tu resteras le
bien de tous.
Que Dieu ait pitié de ton humanité, cher ami.
* Conseiller des Affaires étrangères.