Tous les éléments d’un polar excitant
réunis, assurément. Des négociants levantins richissimes et barbus — ils
ne le sont pas mais enfin peu importe —, margoulins en diable, qui
financent (circonstance aggravante et crime abominable !) le Hezbollah
libanais. Bigre ! Pour les traquer, des agents du FBI, la police
fédérale américaine, venus tout droit des Etats-Unis. Et au milieu, une
nymphe voire une naïade de 24 ans, belle comme une déesse, frêle comme
une victime. Une beauté d’archange.
Horreur,
voilà que cette belle créature est jetée dans un sombre cachot africain
par des juges dans la poche des méchants négociants levantins ! Le
tout, sous les yeux complices d’une vieille presse ripoux, arrosée de
millions par les mêmes, qui n’ose même pas défendre cette pauvre et
innocente victime. Mais heureusement, pour ne pas décourager le genre
humain, que de courageux lanceurs d’alerte s’activant dans les réseaux
sociaux, chevaliers Bayard sans peur et sans reproche et parangons de
vertu, ont pris courageusement la défense de la belle. On le voit, il y a
là tous les éléments d’un excellent roman ou polar que ne renierait pas
Ian Fleming, John Le carré ou Gérard de Villiers !
Hélas,
la réalité est plus prosaïque et moins romancée que ce beau récit
auquel on a eu droit ces jours-ci et qui, selon la caricature, met face à
face des brutes et une belle héroïne innocente. Le tout dans un univers
de corrompus jusqu’à la moelle. dans le conflit qui oppose la société
BATI¨PLUS à la jeune Rachelle Sleylaty qui croupit en prison depuis
quelques mois, le méchant n’est malheureusement pas celui que nos
justiciers du net trucident. car, il peu aussi être en jupons et talons
aiguilles !
Dommage
pour les amateurs de sensations fortes, l’enquête d’une escouade
d’agents spéciaux du Fbi dont il est fait état relève à tout le moins de
la fable. D’abord parce que c’est un secret de polichinelle que la
police fédérale américaine, de même que la CIA, le redoutable service de
renseignements, disposent d’antennes dans notre pays où ils ont déployé
leurs très grandes oreilles de manière à ce que rien de ce qui les
intéresse ne leur échappe vraiment. Le Fbi n’a donc pas besoin de
l’enquête menée sur cette affaire par nos gendarmes pour connaître qui
finance le HEZBOLLAH libanais.
Secundo,
le financement par des ressortissants du pays du cèdre établis dans
notre pays du mouvement dirigé par le cheikh Hassan Nasrallah et
représenté au Sénégal par le Cheikh Abdel Moneïm el Zein est une fable,
une vieille lune agitée depuis des lustres par les services israéliens.
Enfin, tout le monde sait que les deux produits emblématiques de
l’Amérique, c’est le hamburger et…coca-cola. or justement,
l’embouteilleur dans notre pays de la puissante multinationale basée à
Atlanta n’était autre jusqu’à ces derniers mois que…la société Kirène,
propriété des frères Farès. Vous imaginez la CIA et le FBI laisser la
société emblématique de la superpuissance américaine faire
tranquillement des affaires avec d’horribles souteneurs du HEZBOLLAH
libanais ? on peut certes avoir l’imagination fertile mais pas à ce
point…
Dolce vita
L’affaire
qui défraie la chronique est pourtant simple. Rachelle Sleylaty a été
embauchée par la société BATIPLUS en 2019 en tant que responsable du
coffre où sont gardées les espèces encaissées par cette société qui
s’active notamment dans la vente de fer à béton. ce en attendant leur
versement à la banque. Bientôt, elle découvre des failles dans le
système et en profite à fond…la caisse en puisant sans se gêner. Au bout
d’un certains temps, les responsables de BATIPLUS commencent à
s’inquiéter car, pour la première fois, cette filiale commençait à avoir
des tensions de trésorerie et ses banquiers se mettaient à faire les
gros yeux. Ils font des inventaires, passent au peigne fin les relations
avec les fournisseurs, évaluent et réévaluent les stocks mais ne
trouvent rien.
Mais
bon dieu, ce n’est pas possible ! se disent-ils avant de recommencer à
chercher. Après des investigations approfondies, ils finissent par se
dire que le problème ne pouvait venir que du coffre. Rachelle est sommée
de s’expliquer. Elle envoie des justificatifs…tout en ignorant que les
originaux étaient en possession de ses employeurs. Qui convoquent une
réunion au cours de laquelle des preuves accablantes lui sont présentées
en présence d’un huissier de justice.
Confondue,
elle craque et reconnaît les faits tout en expliquant son modus
opérandi. « Je prenais un million de francs par jour et cinq millions
trois fois par semaine ». Décidément intarissable, elle donne
l’utilisation de l’argent. Des voyages dans des destinations de rêve, la
préparation de son mariage royal avec son fiancé Alex Rabih Kfoury, un
fabricant de glaçons et, surtout, patron de l’agence de publicité
platinium, qui gère de gros budgets publicitaires et, donc, s’est fait
de nombreuses relations dans la presse (tiens, tiens… vous voyez que la
vieille presse pourrie aussi sait des choses sur lesquelles elle
pourrait revenir au besoin !).
Une
agence, surtout, dans laquelle on prête des parts à des pontes de la
République… Rachelle a aussi confessé l’achèvement d’immeubles dont la
construction avait été commencée par son père, l’achat d’un appartement
en copropriété avec son fiancé à 380 millions de francs, un acompte de
60 millions sur un autre, la constitution d’une société d’événementiel à
l’enseigne d-day, l’achat de bijoux coûteux. Bref, la dolce vita. Sur
pv d’huissier toujours, elle dit que tous ses proches — c’est-à-dire son
père André, sa mère Marie-Jo, son fiancé Alex — étaient au courant de
ses agissements et en ont profité. ils ont tous nié au cours de
l’enquête, ce qui fait qu’ils ont échappé à la prison contrairement à
Rachelle enfoncée par ses confessions recueillie par un huissier.
Bien
évidemment, on est loin des 146 millions visés dans la plainte car au
moment où celle-ci était déposée, le trou venait tout juste d’être
découvert. Les investigations du commissaire au compte ont permis de
découvrir l’ampleur du préjudice causé par cette Dalila des temps
modernes qui a bien failli livrer le secret de l’invincibilité du Samson
qui l’employait. un préjudice qui s’établit finalement à deux milliards
de francs. Mais non, vous ne rêvez pas ! Saisis par le procureur pour
mener l’enquête, les braves gendarmes de la section de Recherches, en
bons professionnels, ont enquêté à charge et à décharge. Hélas, trop à
charge pour les victimes au point même de recommander l’arrestation du
directeur général de BATIPLUS pour blanchiment d’argent avec des
suppositions de financement du terrorisme ! du coup, de victimes, les
propriétaires de cette société ont été installés sur le banc des accusés
au même titre que leur voleuse.
Puis,
voyant que l’étau de la justice était loin de se desserrer autour de la
pauvre Rachelle, de brillants esprits ont eu la lumineuse idée de crier
au loup HEZBOLLAH ! Au loup terroriste, certes, mais encore au
blanchiment d’argent et à la fraude fiscale. Du coup, une famille
honorablement connue, travailleuse et sans histoires, qui fuit les feux
de la rampe et a bâti l’un des groupes les plus solides de la
sous-région, qui a créé 3500 emplois rien qu’au Sénégal et fait un
chiffre d’affaires de 40 milliards par an…cette famille est jetée en
pâture à une opinion publique friande de lynchages et de mises à mort
façon corridas… Olé toréro !
Accueil Actualités Société Affaire Batiplus-Rachelle Sleylaty : L’histoire d’une Dalila qui a failli faire tuer...